Le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et l’association de défense des libertés constitutionnelles ont saisi le tribunal de référés liberté pour que soient suspendus les arrêtés préfectoraux autorisant la mise en œuvre des moyens de captation, d'enregistrement et de transmission d'images par des aéronefs dans le cadre de la journée de mobilisation du 18 septembre dans les communes de Gonfreville l’Orcher, Harfleur, Le Havre et Rouen.
Le code de la sécurité intérieure permet d’autoriser les services de police et de gendarmerie, sur demande préalable et pour une durée maximale de trois mois, à capter, enregistrer et transmettre des images grâce à des caméras installées sur des drones, dans le but d’assurer, notamment, la prévention d’atteintes aux biens et à la sécurité des personnes, la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique, la prévention d’actes de terrorisme, la régulation des flux de transport et le secours aux personnes. Une telle autorisation ne peut être légalement délivrée que si elle est proportionnée au regard du but poursuivi et sa mise en œuvre est strictement encadrée par le code, qui impose notamment de ne pas recueillir d’images de l’intérieur des domiciles ni de leurs entrées et d’effacer les images collectées au terme d’un certain délai.
Par trois arrêtés du 17 septembre 2025, le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la captation, l’enregistrement et la transmission d’images au moyen de drones dotés de caméras, dans le cadre de la journée de mobilisation du 18 septembre 2025, entre 9 heures et 18 heures sur une partie du territoire de Rouen, et entre 6 heures et 15 heures dans un périmètre à Gonfreville l’Orcher, Harfleur et au Havre.
Saisie d’une demande de suspension de ces trois arrêtés, la juge des référés du tribunal a eu à apprécier, de manière concrète, la proportionnalité de ces autorisations par rapport à la préservation du droit au respect de la vie privée (Conseil constitutionnel, décision n° 2021-834 DC du 20 janvier 2022).
En l’espèce, la juge a relevé que les seuls éléments évoqués par le préfet (afflux important de participants attendu, incertitude quant aux lieux de manifestations ou de blocages, posture Vigipirate) ne justifiaient pas, faute d’élément précis, que d’autres moyens existants (utilisation du système de vidéosurveillance publique ou déploiement des forces de l’ordre) auraient été insuffisants pour assurer le maintien de l’ordre et de la sécurité publics. Elle a en outre relevé que les manifestations avaient été déclarées en préfecture pour des parcours définis. Concernant plus particulièrement Le Havre et Rouen, elle a noté que le risque que des élèves pourraient bloquer des lycées ne permettait pas de regarder la mesure comme nécessaire. Elle a jugé de même, en ce qui concerne Rouen, concernant un risque de blocage de certains lieux. La juge des référés en a déduit que le préfet avait porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et à la liberté d’aller et venir en délivrant les trois autorisations attaquées, et a donc décidé la suspension de l’exécution de ces dernières.
Ordonnances nos 2504373, 2504374, 2504375 du 17 septembre 2025